A la recherche d'un diagnostic, le syndrome de Borjeson-Forssmann-Lehmann
Témoignage de Cécile, qui a entrepris toutes les démarches pour savoir si elle était porteuse de la même maladie (PHF 6) - alors inconnue - que ses trois oncles.
Trois oncles, qui "sont comme ils sont". Je ne me pose pas de question.
Dès ma petite enfance, j’ai remarqué que les trois frères de ma mère sont différents des autres adultes de leur âge. Deux d’entre eux travaillent et vivent pendant la semaine dans des Centres d’Aide par le Travail (CAT), le troisième a un studio en ville et est employé dans un garage en tant que travailleur handicapé. Mais je ne me pose alors pas de questions, ils sont comme ils sont et j’apprécie leur compagnie quand je vais en vacances chez mes grands-parents.
Adolescente, je questionne ma mère sur le handicap de mes trois oncles mais elle n’en connaît pas l’origine. Cela ne m’inquiète pas, car ma mère et moi-même n’avons pas les difficultés de mes oncles. Ma sœur cadette, née prématurément, a des difficultés scolaires et du mal à s’intégrer avec les autres enfants. Cependant, lorsque ses difficultés apparaissent à l’entrée en primaire, les médecins ne font pas le lien avec mes oncles et mettent les difficultés de ma soeur sur le compte de sa prématurité. Elle poursuivra sa scolarité dans des classes adaptées en primaire puis SEGPA.
1ères interrogations lorsque nous souhaitons avoir un enfant.
En octobre 2009, lorsque mon conjoint et moi souhaitons avoir un enfant, j’informe mon gynécologue de la situation de mes trois oncles et de ma soeur. Il me conseille de prendre rendez-vous avec un médecin spécialisé en génétique.
Trois mois plus tard, j’expose à une généticienne ma situation familiale et le fait qu’aucune cause génétique n’a jamais été recherchée chez mes oncles déficients intellectuels. Je lui montre également plusieurs photographies des membres de ma famille à l’âge adulte (oncles, parents, grands-parents maternels, soeurs). Le médecin pense qu’il s’agit très certainement d’une déficience intellectuelle liée au chromosome X.
L’éparpillement géographique de notre famille complique les investigations.
Mes oncles vivent à 650km de mon lieu de résidence et à plus de 200 km d’un CHU avec service de génétique. Ma grand-mère très âgée se déplace difficilement… impossible pour ma généticienne de rencontrer mes oncles.
Elle fait alors une 1ère hypothèse : ils pourraient être atteints du syndrome de l’X Fragile, car présentent certains traits caractéristiques de cette maladie. Elle propose donc qu’une analyse de la région de l’X Fragile soit entreprise chez moi.
4 mois plus tard, j’apprends que ces résultats sont normaux pour moi. Je me trouve donc ‘’indemne’’ d’une maladie dont on n’est pas sûr qu’elle touche réellement la famille…
Comme ma sœur a également un retard intellectuel, la généticienne propose que cette analyse de l’X Fragile soit réalisée chez ma mère.
Elle habite en région Parisienne. Le médecin me communique les coordonnées d’un confrère en région Parisienne et lui envoie un courrier. C’est au tour de ma mère de décrire l’histoire familiale, d’accepter le prélèvement sanguin pour voir si elle serait conductrice du syndrome de l’X Fragile.
Trois mois plus tard, nous apprenons que ce n’est pas le syndrome de l’X Fragile qui touche 4 membres de ma famille.
C’est moi qui reprends contact directement avec ce médecin pour savoir ce qu’il faut faire...
Il m’informe qu’il va m’envoyer par courrier des ordonnances et des formulaires d’autorisation pour permettre des recherches sur l’ADN de ma grand-mère et de mes 3 oncles. Le médecin m’explique qu’il va réaliser une analyse de la région de l’X fragile chez mes trois oncles et ma grand-mère maternelle mais que s’il ne s’agit pas de ce syndrome, il poursuivra ses investigations et réalisera également une étude de ségrégation de l’X pour connaitre le pourcentage de chromosome X que mes oncles et moi avons en commun. Même s’il ne trouve pas le syndrome qui touche mes oncles, le médecin pourra à partir des résultats de l’analyse de ségrégation de l’X m’indiquer le risque que j’ai de transmettre un gène muté à mes enfants. Il m’informe que cette étude va être longue (environ 1 an) et que je vais devoir patienter avant d’envisager une grossesse.
Je profite de mes congés annuels programmés pour passer quelques jours chez ma grand-mère maternelle.
Auparavant, j’ai contacté la tutrice de mes oncles pour savoir si elle doit donner son accord pour la réalisation de tests génétiques chez mes oncles et vérifier qui doit signer les formulaires d’autorisation pour étudier leur ADN. La tutrice m’informe que pour les décisions médicales, elle n’a pas à intervenir. C’est à mes oncles de donner leur accord et de signer le formulaire.
J’ai cherché à expliquer à mes oncles déficients l’intérêt de faire des tests génétiques
… C’est moi qui ai ensuite du envoyer les prélèvements sanguins par la Poste !
Je ne sais pas si mes oncles sont en mesure de comprendre la totalité du contenu du formulaire mais avec l’aide de leurs éducateurs spécialisés nous leur expliquons que je désire avoir un bébé et qu’avant de concevoir ce bébé je souhaiterais savoir s’il pourrait avoir les mêmes difficultés qu’eux. Nous leur expliquons également qu’il n’y a qu’une prise de sang à faire chez eux.
Nous allons tous les cinq au laboratoire d’analyse médicale de leur commune. C’est la première fois que ce laboratoire prélève des échantillons de sang pour un envoi dans un établissement de santé en vue de recherches génétiques. Ils emballent les tubes dans une boite isotherme et me remettent le tout. Je me rends à la poste pour l’envoi du paquet par Chronopost.
Fin septembre 2010, la généticienne et une conseillère en génétique nous reçoivent, mes parents, ma sœur cadette et moi-même. Ils nous annoncent que mes oncles ne sont pas atteints du syndrome de l’X-fragile. Le médecin nous informe que son équipe va transmettre des échantillons sanguins de mes oncles, de ma grand-mère maternelle, de mes parents, de ma sœur cadette et de moi-même à une équipe de l’institut Cochin pour que démarre l’étude de ségrégation de l’X. Il m’apprend que les résultats nous seront communiqués dans plusieurs mois (entre 6 mois et 1 an). Nous réalisons l’arbre génétique de ma famille. Le médecin nous explique que mes oncles sont très probablement atteints d’une maladie génétique liée au chromosome X et qu’il est fort probable que ma sœur soit également porteuse du gène muté et que ce gène s’exprime faiblement chez elle. Il nous explique également que les caractéristiques morphologiques liées à une maladie génétique sont plus spécifiques dans la petite enfance et nous demande que nous lui transmettions des photos de mes oncles quand ils étaient enfants.
Un étrange cadeau de Noël : "Très bonne nouvelle, nous pensons avoir identifié le syndrome, mais ne vous donnons pas encore le nom"
Début décembre 2010, le médecin et la conseillère en génétique nous annoncent qu’ils ont une « très bonne nouvelle ». Le médecin a étudié les photos que je lui ai transmises et les a présentées à des confrères. Ils pensent avoir identifié le syndrome responsable du déficit intellectuel de mes oncles. Ils ne me donnent pas le nom du syndrome mais m’informent que les analyses seront réalisées par le laboratoire de génétique de Saint-Etienne. C’est le « cadeau de noël » que me fait le généticien.
Fin avril 2011, soit 1an et demi après le début de mes investigations, nous retournons en région parisienne pour apprendre que le gène PHF6 impliqué dans le syndrome de Borjeson-Forssman-Lehmann a été détecté chez mes trois oncles et ma sœur mais pas chez moi. Je ne suis pas conductrice de ce syndrome et je ne suis pas à risque de le transmettre à mes enfants.
Après 1 an et demi d’attente nous pouvons enfin envisager de faire un bébé.
Nous avons tous été soulagé d’appendre que je pourrai avoir un bébé sans risque de lui transmettre le syndrome de Borjeson-Forssmann-Lehmann. J’ai parlé de ce syndrome avec mes parents et ma grand-mère. Mes oncles étaient plus intéressés par le futur bébé.
Pendant cette longue période d’attente, j’ai beaucoup réfléchi au diagnostic préimplantatoire, à l’adoption, … Cela n’était pas évident tous les jours.
Ce qui m’inquiétait finalement, c’était l’inconnu. Ne pas savoir si j’étais porteuse ou non du gène responsable du retard intellectuel de mes oncles. Le plus long a été l’attente d’un résultat et même si ce résultat avait été positif cela aurait été un soulagement. Je n’aurais plus été dans l’inconnu.
Cécile
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